Ashwiin Higuera - 18 Octobre 2023 

La politique n’existe pas. 

C’est la conclusion que j’ai eu après quelques semaines au gouvernement.
La politique n’existe pas. Le gouvernement n’a qu’un pouvoir illusoire. Suivez la voix des puissants et vous n’aurez pas de souci, essayez de changer les choses, d’aller à l’encontre de leurs choix et vous serez mis aux bans. 

Pressions, menaces, bloquages de toutes parts. Voilà le quotidien d’un gouvernement qui refuse de suivre aveuglément la piste qui a été tracée pour lui par d’autres.
Vous voulez changer une loi ? Elle doit être vérifiée et validée par les procureurs.
Les lois sur les institutions ou les avocats ? Demandez la permission à l’Assemblée.
Et pour tout le reste ? Attendez-vous à recevoir appels sur appels, messages sur messages, vous menaçant d’une condamnation ou d’une grève puisque votre vision ne correspond pas à la leur. 

Au cours de mon mandat, j’ai du faire face à une menace de grève de la part des Forces de l’Ordre pour avoir demandé de revenir aux bases de notre société : la discussion. Nous avons demandé aux organes executifs et judiciaires d’agir avec proportionnalité, de réfléchir, de parler, de négocier. La réponse a été un refus net. La réponse a été « il faut juste taper plus fort », « nous ne sommes pas là pour faire de la prévention ou communiquer », et les directives de calmer les tensions et de ramener une confiance globale n’ont pas été suivis mais « allez le dire au gouvernement, nous agissons sur sa demande », « allez parler au gouvernement, c’est lui qui fait la loi ». Un pratique bouc-émissaire pour justifier tout débordement. 

Quand un ancien gouvernement vous dit « parler aux chefs de gang, c’est baisser son froc », quand un bureau du procureur vous dit « Les laisser parler pour conclure une trêve ? Non, il y a des procédures à suivre », quand ce même bureau du procureur refuse de présenter les preuves à l’avocat de la défense car « ils pourront se préparer et se défendre en adaptant leur réponse », quand des chefs de service vous demandent d’augmenter les peines en des proportions démesurées, de mettre des maximales systématiques à tous sans distinction, de conserver des biens légaux saisis en procédure d’arrestation parce que « c ’est trop chiant de les rendre »… Vous comprenez que la justice, l’éthique et la capacité à discuter n’existent plus sur cette île. 

Je remercie sincèrement le Chief Billups et son service qui ont été parmi les seuls à nous écouter, nous conseiller, nous parler sincèrement, même si nous étions loin d’être toujours d’accord. Je remercie tous les soutiens et conseils, même ceux qui sont restés silencieux ou dans l’ombre. Nous avons voulu faire changer les choses, mais nous avons été trop lents, trop diplomates. 

Aussi, le réalisant, nous voulions prendre des mesures drastiques avant la fin du mois pour contrer un pouvoir trop établi et espérer revenir à un véritable Etat de Droit, et nous espérons que d’autres le feront : 

-réduction des récidives pour délits mineurs et moyens à 12h avec augmentation des peines sur les multirécidives ;
-mise en place d’un document de « témoignage » permettant aux avocats d’interroger les témoins d’une affaire en ayant un document juridique officiel ;
-obligation de soumettre les pièces du dossier, anonymisés au besoin, à l’avocat d’un prévenu ;
-légifération de l’abus d’autorité d’un supérieur hiérarchique et abus de pouvoir d’un agent public ;
-rétablissement du vice de procédure en qualité de « circonstance atténuante » ;
-rétablissement du poste d’enquêteur interne ; 

Et évidemment le plus gros morceau qui serait arrivé un peu plus tard sans doute :
-Mise en place d’un tribunal, de juges, d’une entité neutre capable de ramener une justice « juste ». 

Aujourd’hui, M.Lapie est un autre exemple d’une justice qui n’en porte que le nom. Condamné pour avoir agi comme n’importe quel autre futur candidat, condamné pour avoir voulu changer les choses dans un sens qui ne plaisait pas à certains. 

La politique est morte, mais elle était déjà agonisante. La justice est morte, mais elle n’était qu’une illusion. Ouvrez les yeux, agissez, ne laissez pas d’autres détruire vos libertés et vos droits.

Mila Johnson