Ashwiin Higuera - 25 Octobre 2023 

Dura lex sed lex

Je m’appelle Leonard Davis et je suis avocat.


En fait, non. Je suis aussi bien d’autres choses. Je suis un chef d’entreprise, qui donne tout ce qu’il a pour que ses employés soient dans les meilleures conditions, même pendant mes rares vacances. Je suis un ami, qui essaie d’être là pour les autres, y compris quand il n’a pas le temps d’être là pour lui-même. Je suis un citoyen engagé, qui donne son avis et essaye humblement de faire avancer les choses à son échelle. Je ne devrais probablement pas le dire, mais je suis également membre d’ASAP, de longue date. Mais aujourd’hui, c’est l’avocat qui souhaite s’exprimer.


Cela fait maintenant des semaines que je lis et entends les réactions de personnalités politiques (ou aspirantes) de tous bords qui attribuent leurs déboires ou leurs frustrations à leurs rivaux, quels qu’ils soient. J’ai préféré jusqu’à présent ne pas y prêter plus d’attention que nécessaire. Mais après qu’une « Justice de merde » ait été fustigée à grands éclats de voix par un (ex-)avocat au sein même d’une Cour de Justice, et que la politique ait été déclarée morte ou non-existante dans les journaux en l’espace de quelques jours, je me devais d’essayer de remettre un peu l’église au milieu du village.


La loi n’est pas une tour en Kapla autour de laquelle on court en rigolant, et en espérant ne pas tout envoyer valser. Elle est la tentative cumulée de tous les gouvernements passés pour rendre notre Etat le plus juste possible (ce qui ne veut pas dire qu’il l’est toujours, mais que tous les efforts ont été faits dans ce sens). De la même manière, être gouverneur n’est pas un chèque en blanc pour refaire la déco à son humeur. C’est tout le contraire. Être gouverneur, c’est par essence rendre compte à tous les citoyens, et c’est exactement la raison pour laquelle il existe des contre-pouvoirs. Sans eux, sans cette validation par des experts légaux ou des représentants des différentes catégories de la population, on serait dans une monarchie, ou une dictature. Ce que Mme Johnson déplore dans son dernier communiqué, ce n’est ni plus ni moins que la démocratie.


On m’a dit récemment qu’il est plus facile d’allumer un feu que de l’éteindre. C’est vrai à beaucoup d’égards. Aujourd’hui, chaque défaite, chaque faux pas, est rejeté sur l’autre à grands coups de communiqués et de déclarations outrancières alimentant une défiance géante qui est très difficile à tempérer par la suite et qui n’a aucun lieu d’être. Il existe une solution relativement simple pour s’éviter beaucoup de déceptions : respectez la loi. Arrêtez de vous imaginer plus malins ou plus experts parce que vous avez lu 2 fois le Code des Institutions et que vous avez trouvé une faille, un endroit où « c’est pas écrit ». Il existe des gens (le Bureau du Procureur, les avocats, les Forces de l’Ordre) dont c’est le quotidien depuis des mois, des années, de lire et d’interpréter ces codes de lois, et quand 2, 3, 4 d’entre eux vous disent que votre interprétation est erronée, bien souvent, c’est parce qu’elle est erronée.


L’humilité et la constance. Voilà ce qui manque à beaucoup pour réussir à faire valoir leurs arguments, leur point de vue. Il est quand même fabuleux de voir que lorsqu’un candidat se présente seul à une élection, sa condamnation est forcément le résultat d’un complot politique visant à empêcher toute opposition à un parti absent. Si l'on reprend le cas spécifique de M. Lapie, je suis moi-même modérément en accord avec la décision qui a été prise à son encontre, que j'estime sévère au regard des faits. Néanmoins il n'y a qu'une chose à faire avec cette décision : la respecter, ainsi que les personnes qui l'ont prise (un procureur puis 3 jurés d'horizons différents). Toute autre réaction n'est qu'un excès d'égo mal placé. De la même manière, la sanction fédérale contre un gouvernement en place ne peut apparemment être que due à l’influence de leurs opposants. À quel moment arrive la remise en question ? Le sentiment que, peut-être, on a fait quelque chose de travers ? Créer un parti dans l’optique de se présenter au gouvernement, se viander et tout lâcher en blâmant qui on peut, ce n’est pas de la politique, c’est un caprice. Se présenter, être élu, s’entêter à faire les choses à sa façon en n’écoutant personne et en laissant l’Etat brûler, et après la faute de trop, blâmer les institutions, ce n’est pas de la politique, c’est un caprice qui a beaucoup trop duré. Si je ne partage pas ses opinions politiques, j’admire la constance de Mme Neige Miara. Elle a des idées, et elle explore chaque opportunité de les mettre en place. La politique serait probablement beaucoup plus saine avec plus de constance.


Si la manière dont la loi est faite ne vous convient pas, c’est totalement votre prérogative de vouloir la faire changer. Mais pour le faire, faites le correctement. Ne demandez pas tout, tout de suite. Faites des erreurs, et apprenez-en. Essuyez des revers, et relevez-vous. Entourez-vous de gens qui ont de l’expérience, ou faites au minimum l’effort de prendre en compte les retours de ces derniers. En cas de doute, posez des questions. Soyez proactifs, soyez curieux, soyez respectueux des gens et des institutions, en résumé, soyez des êtres humains relativement fonctionnels et décents. Mais par pitié, arrêtez de croire que le monde entier, ou une élite manipulatrice, vous en veut. Dans l’immense majorité des cas, si vous êtes condamné, c’est que vous avez merdé, c’est aussi simple que ça.

Leonard Davis