Ashwiin Higuera - 10 Octobre 2023 

COUR DE JUSTICE : La liberté d'expression a-t-elle été condamnée ?

C’était une grande première à San Andreas, une Cour de Justice ouverte au public suite à une plainte du Bureau du Procureur contre Mr Régie Taylor pour Dénonciation Calomnieuse. Voici les éclaircissements sur le déroulé de ce procès majeur ainsi que sur les raisons derrière la décision de la Cour de Justice.

Le 14 Septembre 2023 suite à la publication d’une Opinion Citoyenne, dans le Weazel News, nous pouvions lire le message suivant sur les canaux de ce même journal : “Le Weazel News vous informe que nous sommes dans l’obligation de retirer la dernière Opinion Citoyenne de M. Régie Taylor suite à une demande du Bureau du Procureur.”


Le 24 septembre, c'est sur les canaux du gouvernement que l’annonce d’une Cour de Justice ouverte au public est faite. Cette dernière est annoncée pour 21h le mercredi 27 septembre et les acteurs principaux sont les suivants : 


Maître Davis, avocat représentant le Bureau du Procureur, pour la première fois plaignant face à la Cour de Justice.


Maître Ericksen, avocat de M. Régie Taylor qui compare pour Dénonciation Calomnieuse face à la Cour.

C’est la première fois qu’une Cour de Justice se tient pour un premier jugement dans un cadre autre qu’une enquête interne.


“J’ai trouvé que pour la première de ce format avec un Bureau du Procureur en tant que plaignant, ça s’est plutôt bien passé. La Cour était de bonne tenue, tout s’est passé relativement vite”, nous raconte Maître Davis. Je pense que le moment important était lorsque l’on a pu poser des questions à M. Taylor. Cela a permis d’éclairer toutes les zones d'ombres de ce qu’il avait posé à l’écrit et d'expliciter ce qu’il avait sous-entendu dans son opinion citoyenne. (...) Il y a des phrases dans son opinion citoyenne, où il utilisait un “on” général bien qu’il paraissait assez évident qu’il sous-entendait le Bureau du Procureur et le Gouvernement. Il l’a d’ailleurs confirmé lors de son passage à la barre, ce qui était le point le plus important pour déterminer s’il s’agissait de dénonciation calomnieuse.”

Je pense que le moment important était lorsque l’on a pu poser des questions à M. Taylor. Cela a permis d’éclairer toutes les zones d'ombres de ce qu’il avait posé à l’écrit .

Soucieux de pouvoir illustrer concrètement les précisions données dans la rédaction de cet article, nous avons demandé au procureur général Kibow la possibilité de publier l’Opinion Citoyenne concernée, ce qu’il a approuvé.


Voici donc la publication de M. Régie Taylor : 

Maître Auguste, membre de la Cour de Justice lors du procès a accepté de nous apporter plus d’explications sur cette décision de justice historique.


Q : Cette décision ne crée-t-elle pas un précédent à San Andreas ?

“Oui et non, ça permettra à ce que les gens mesurent leurs propos. À partir du moment où on est maître de ses paroles et de ses écrits, si l'on est capable de se mettre des barrières, il n’y a aucun souci. Vous ne pouvez pas dire des choses, puis sous prétexte qu’aucun nom n’a été clairement cité, ces propos ne visaient personne. Le fait de “masquer” les choses ne les masque pas en réalité, et il y aura forcément des gens lésés d’une manière ou une autre lorsque l'on ne mesure pas la portée de ses propos. En termes de liberté d'expression il y avait milles et une façon pour faire en sorte que ce ne soit pas une dénonciation calomnieuse.”


Q : Le premier point de la décision de Justice fait mention de censure au Weazel News, ont-ils été entendus à ce sujet ?

“Non et ce n’est pas mon travail de faire venir. C’est à l’avocat de se charger de faire appel aux personnes qu’il désire. Le Bureau du Procureur a été entendu à ce sujet, moi c’est donc l’argument que j’ai de mon point de vue de juge.”

Q : Dans ce cas, sans la présence du Weazel News, l’argument peut-il être recevable ?

“Si l'argument est faux c’est un parjure. Et si personne du côté de la défense ne me dit le contraire pendant la séance, je ne vois aucune raison de considérer que l’argument est faux.”


Q : Sur le deuxième point de la décision de justice, ne pouvait-il pas juste ignorer que cette loi existait ?

“À partir du moment où l’on dit ça sans se rendre compte qu’on a une loi qui précise la procédure, on dénonce volontairement des gens. Ce point explicite clairement une part de dénonciation. Je tiens à rappeler que nul n'est censé ignorer la loi. Dans le cas où l'on a un doute il existe des personnes qualifiées à savoir les avocats pour répondre à nos questions.”


Q : Pourquoi le gouvernement est mentionné dans le troisième point ?

“Lorsque l’article a été présenté à la Cour de Justice, il y a eu une défense du Bureau du Procureur qui a explicité que les audits ont été faits de manière complètement arbitraire. Il n’y a pas d’organisme extérieur qui pousse le Bureau du Procureur à faire des audits sur les entreprises d'après les éléments qui nous ont été présentés ce soir-là à la Cour. Ce n'est pas le but de l’audit de faire tomber une entreprise nord, il a été révélé que cette phrase dénonce le Bureau du Procureur. C’est comme cela que la phrase a été présentée ce soir-là et a motivé notre décision.”

Plaidoyer de Maître Davis

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Ce soir vous est présenté le cas d’une personne, membre du service public tant qu’à faire, qui a consciemment et sans le moindre début d’élément tangible, accusé le Bureau du Procureur de servir je ne sais quel agenda répressif dicté par le gouvernement de l’époque, cultivant le sentiment qu’on est dans une espèce de dictature où sur un mot du gouverneur, on envoie les gens en prison et on les dépossède de leur bien, parce qu’ils ont une opinion différente, le tout dans le journal le plus lu de l’Etat.

Et, une fois mis devant ses responsabilités, cette personne a donc décidé, plutôt que de faire amende honorable et d’admettre qu’il avait été trop loin, de faire le plus de bruit possible en provoquant une cour de justice pour, je cite, “finir en martyr”.

Mais en martyr de quoi en fait ?

En martyr de ceux qui crient d’abord et qui réfléchissent après ?

En martyr des colporteurs de théorie du complot ?

En martyr de ceux qui n’ont aucun respect pour la notion de Service Public ou de Devoir de réserve ?

Peut-être simplement en martyr de ceux qui préfèrent s’indigner bruyamment plutôt que d’essayer de comprendre une situation, je ne sais pas.

Quoi qu’il en soit, le Bureau du Procureur, demande à l’encontre de M. Taylor la condamnation pour le délit moyen de dénonciation calomnieuse, avec la peine associée et l’inscription de ce délit à son casier judiciaire, ainsi que la demande initiale de publication d’excuses publiques.


Pour terminer sur une note plus personnelle qui n’engage que moi, pour ma part je considère que M. Taylor a, par ignorance et par ego, fait perdre 2 heures du temps de 3 jurés, de X agents dont 2 membres du Commandement, et du bureau du procureur. C’est dans ces circonstances que je regrette qu’il n’existe pas de peine permettant de réclamer le remboursement des salaires qui ont été perçus en argent public pendant ce temps perdu. Merci de votre attention.



Ne parvenant pas à joindre l’avocat de la défense Maître Ericksen nous avons demandé le retour de M. Taylor.


Q : Comment avez-vous trouvé le déroulé de cette Cour de Justice ?

"Pour moi et mon avocat, c'était la première fois que nous nous retrouvions devant une Cour de Justice. Nous avons tenté au mieux de faire valoir nos arguments, c'est-à-dire que je n'avais ni dénoncé ni calomnié personne ; que mes propos ne faisaient que mettre en perspective une autre manière de pensée, de voir les choses. Avec le recul, nous aurions dû faire appel à des témoins et notamment le Weazel News. Ce qui m'a le plus choqué durant le procès est que l'avocat du plaignant se soit permis de dire que je faisais perdre du temps et de l'argent à la collectivité et qu'il regrettait qu'il n'y ait pas de loi pour punir cela, ce qui laisse penser que la justice a une échelle de valeur dans son exercice. Une autre chose qui me laisse un goût amer, c'est d'apprendre à l'issue du procès qu'il y avait potentiellement un conflit d'intérêts entre 2 acteurs majeurs de cette cour de justice et que mon recours à ce propos n'a pas été entendu. Vous pouvez retrouver une tribune que j'ai publiée dans LIME où je reviens sur mon expérience."

“Ce qui m'a le plus choqué durant le procès est que l'avocat du plaignant se soit permis de dire que je faisais perdre du temps et de l'argent à la collectivité et qu'il regrettait qu'il n'y ait pas de loi pour punir cela, ce qui laisse penser que la justice a une échelle de valeur dans son exercice.”

Q : M. Taylor dit dans sa tribune avoir essayé de faire un recours, pourquoi ce dernier n’était-il pas possible ?

Gouverneure Johnson : “Il n’est pas possible de faire de recours selon l'article 2-4 du Code Judiciaire qui précise bien que les décisions de la Cour de Justice sont définitives.”


Q : Même si cela relève d’un premier jugement comme une enquête interne ?

“La loi est claire et nette là-dessus. On était dans une situation exceptionnelle car ce cas de figure ne s’était jamais présenté car il n’y avait jamais eu de plainte du Bureau du Procureur. On a dû faire exceptionnellement une Cour de Justice, considérée la meilleure option, et qui servira de jurisprudence le temps de le noter correctement dans la loi. Et

nous sommes déjà en train de travailler pour faire des changements dans la loi à ce niveau-là.”


Q : Seriez-vous pour qu’il soit possible de faire recours de la décision de la Cour de Justice dans ce cas-là ?

“En soit, si c’est accepté pour les enquêtes internes parce qu’il s’agit d’un jugement initial, il paraît logique qu’on puisse y faire recours. Après on travaille à plus grande échelle pour revoir certaines procédures et certaines parties de la loi. Il va y avoir des choses qui vont être mises en place assez rapidement pour répondre à une situation actuelle mais ça ne veut pas dire que ce sera du long terme, un changement de loi plus pérenne et définitif sortira dans un deuxième temps.“

Parmi les nombreux sujets abordés lors du procès, il y en avait un plus étonnant qui est ressorti.


Q : Maître Auguste, il aurait été question du devoir de réserve lors du procès, est-ce que cela a joué lors de la décision ?

“Je répondrai très simplement. On a pris les éléments qui ont été présentés mais à la Cour de Justice on l’a considéré comme étant un citoyen, tel que l’a voulu sa défense, et ces éléments n’ont pas été retenus.”


Maître Davis nous confirme : “Oui, cela faisait partie des angles d’attaques que nous avions utilisés pendant le procès, bien qu’il n'ait pas été pris en compte par la Cour. Au final ce que l’on peut retenir c’est que le devoir de réserve ne veut pas dire “ne pas avoir d'avis” mais savoir se tenir lorsqu'on

l’exprime.”


“À partir du moment où on est maître de ses paroles et de ses écrits, si l'on est capable de se mettre des barrières, il n’y a aucun souci.”, conclut Maître Auguste. “Vous ne pouvez pas dire des choses puis, sous prétexte qu’aucun nom n’a été clairement cité, dire que ces propos ne visaient personne. Le fait de “masquer” les choses ne les masque pas en réalité, et il y aura forcément des gens lésés d’une manière ou une autre lorsque l'on ne mesure pas la portée de ses propos. En termes de liberté d'expression il y avait milles et une façon pour faire en sorte que ce ne soit pas une dénonciation calomnieuse.”